(25 décembre 2020)
Depuis 2014, l’aménagement du cœur de ville de Crolles fait du surplace. Et les travaux de voirie qui vont débuter, tout comme les études de l’alternat poids-lourds-bus, ne doivent pas faire illusion : ce n’est pas avec quelques aménagements qu’on rend un centre-village dynamique, attractif et convivial.
Question : qui a déjà eu envie de se rendre dans le cœur de ville de Crolles, juste pour le plaisir de passer un bon moment dans un cadre accueillant ? Je doute qu’il y en ait beaucoup à répondre : « moi, évidemment ».
Nous avons dans ce centre village une bonne trentaine de commerces, mais ils sont tellement dispersés que personne ne croit à ce chiffre au départ. De plus, la majorité de ces commerces sont situés dans une rue à forte pente, la rue du 8 Mai 1945, donc invisibles depuis la route principale.
Nous avons un terrain de boules, mais il est coincé entre deux bâtiments.
Nous avons deux cafés, mais ils sont placés à l’écart du reste du centre village.
Nous avons une médiathèque, mais elle donne sur la route et ses trottoirs étroits.
Nous avons une belle place devant la mairie, mais en dehors du marché du dimanche matin, sa seule fonction est celle de parking.
Tout cela donne à notre centre-village un caractère terriblement utilitaire, pratico-pratique, « fonctionnel ». Soit on s’y arrête pour quelque chose de précis, soit on le traverse sans se réaliser qu’on est au cœur d’une ville : rien ne l’indique.
Regardez comment est aménagé le centre de Bernin : avec ses marquages au sol et deux zones de stationnement judicieusement placées, c’est un centre-village modeste, mais qui se remarque et donne envie de s’arrêter.
Regardez le centre de Lumbin : la rue est étroite, mais les parkings créés en surélévation côté Chartreuse permettent de stationner facilement et de se rendre dans les commerces en quelques pas.
Regardez le centre de Saint Ismier, simple, petit mais si accueillant. Regardez celui de Montbonnot, où un nouvel ensemble commercial a été construit en continuité de celui qui existait, avec là encore des parkings bien situés.
Alors, pourquoi ce qui est possible autour de nous ne le serait pas à Crolles ? Ceci alors que l’aménagement du cœur de ville était une des grandes ambitions affichées en 2014 ?
La réponse tient en quelques mots : une démarche de concertation vite abandonnée, une opposition frontale de l’adjoint à l’urbanisme à tout ce qui ressemble à des outils d’urbanisme ( !), une incapacité du maire à maintenir le cap et à faire avancer le projet.
En 2020, à la fin du mandat, la voirie aura été retravaillée dans le centre-village. Nous serons loin, très loin d’un aménagement global. Quant aux habitants directement concernés, ils ont eu droit à une réunion en mairie le 9 octobre dernier, alors que les marchés étaient déjà passés et que tout était décidé. Maigre bilan…
Un projet ambitieux et à la hauteur des enjeux passait d’abord par l’élaboration d’un Plan guide pour ce quartier. Il n’existe toujours pas. Cet échec cuisant est une des grandes raisons qui ont conduit les élus du groupe Crolles 2020 à prendre leurs distances avec la majorité municipale en juillet 2017. Trop, c’est trop.
Mais alors, selon nous, que faudrait-il faire ?
D’abord, laisser le bureau d’études mandaté pour travailler sur le cœur de ville aller au bout de sa mission, notamment en travaillant avec un comité consultatif composé d’élus, d’habitants et de commerçants. Sa démarche nous aurait projeté dans un vrai projet d’aménagement. Il a rencontré une opposition frontale de certains élus et tout s’est arrêté.
Ensuite, nous doter de ces fameux outils d’urbanisme, pour que nous puissions profiter des prochaines transactions autour de la place de la mairie pour donner à ce quartier une unité et une cohérence. Ainsi, des aménagements en phase avec le plan guide auraient pu commencer.
Les élus n’aiment pas imposer des contraintes aux habitants, qui sont aussi des électeurs. Mais l’intérêt général demande un minimum de courage qui dans ce cas, fait défaut. Or, ce sont ces outils qui permettent de concilier l’intérêt général et les intérêts particuliers des propriétaires.
À Crolles, en matière d’urbanisme, on ne réglemente pas : on négocie, du moins on essaie de négocier. Alors que des orientations d’aménagement programmé (OAP) ou un plan-guide, parce qu’ils fixent un cadre, suscitent des projets de construction, créent peu à peu un environnement urbain de qualité. Je ne parle pas de réaménager le centre village de A à Z : je parle de lui donner un minimum de personnalité, de densité et d’agrément.
En particulier, il me paraît essentiel de réaliser des aménagements qui favorisent les commerces. Je l’ai dit, ils sont dispersés, peu visibles pour certains ou peu accessibles quand il faut marcher le long de trottoirs étroits, depuis un parking éloigné. Et ce ne sont pas les quelques totems installés récemment qui vont changer radicalement les choses.
Certains de ces commerces se portent bien. D’autres ont plus de difficultés ou manquent de mètres carrés pour se développer. Tous vivent sous la menace à long terme de la grande distribution. Or, que faut-il pour favoriser le commerce de proximité ? C’est simple : de la densité commerciale et non de la dispersion ; de la convivialité, et non du fonctionnel.
On peut rendre la rue du 8 Mai plus visible depuis la route principale. On peut installer des commerces des deux côtés de cette rue, pour la rendre plus dense, plus vivante et plus attractive. On peut imaginer que la place de la mairie ne soit plus seulement un parking, et qu’on y vienne aussi pour le plaisir de s’y tenir…
Tant que les élus de Crolles ne s’empareront pas du sujet avec détermination et ambition, rien ne changera, à part ces aménagements de voirie et cet alternat poids lourds, intéressants mais tout à fait insuffisants. « En France, tout finit par des chansons » écrivait joyeusement Beaumarchais dans les Noces de Figaro. À Crolles, le constat est plus triste. Ce serait plutôt « tout finit par de la voirie »…