(20 juillet 2019)
Les appels d’offres sur la création d’un alternat de circulation pour les poids lourds dans le cœur de ville seront passés pendant l'été, pour une réception des réponses en septembre. Puis un comité consultatif d’habitants sera réuni à l’automne. Les élus de Crolles 2020 ont voté contre cette délibération du conseil municipal du 28 juin. Elle révèle, jusqu’à la caricature, les contradictions d’un système qui prétend faire de la concertation mais se contente de la simuler.
Si vous faisiez réaliser des travaux à votre domicile, laisseriez-vous l’entreprise établir les plans, choisir les matériaux et fixer une enveloppe budgétaire avant de vous demander : « et vous, au fait, que souhaiteriez-vous ? ». C’est à peu près ce qui s’est passé au conseil municipal du 28 juin. Un an après la deuxième et dernière réunion du comité consultatif des habitants, dont était simplement sortie l’idée de l’alternat poids lourds, il a défini le projet dans ses moindres détails, terminé les dossiers de consultation des entreprises et s’apprête à lancer les appels d’offres.
« Tout est déjà décidé quand on fait de la concertation »
Quand le comité consultatif sera réuni une nouvelle fois cet automne — c’est du moins ce qui est annoncé — il ne restera plus rien à choisir ou à débattre, à part des détails cosmétiques comme la couleur des pavés. Et quand un élu de Crolles 2020 en a fait la remarque à l’élu en charge des espaces publics, celui-ci a répondu sur un ton moqueur : « tu sais très bien que les trois quarts du temps, tout est déjà décidé quand on fait la concertation ».
Cette phrase cynique sonne comme un aveu, de la part d’une équipe qui faisait de la concertation l’une des lignes de force de son programme de 2014. Elle a perdu en route ses convictions et ses engagements, et ne prend même plus la peine de s’en cacher : le conseil municipal, rappelons-le, est une réunion publique, ouverte à tous et en particulier à la presse. Les cinq élus de Crolles 2020 présents ce soir-là, qui venaient d’approuver la délibération sur le principe de l’aménagement, ont donc voté contre celle qui en précipitait l’exécution.
Un budget de 1,2 million d’euros voté en catimini
D’autant qu’elle comportait une autre anomalie, financière celle-là. Depuis le début du mandat en 2014, il était convenu que le maire était autorisé à passer des marchés jusqu’à 600 000 euros sans vote du conseil municipal. Question d’efficacité et de pragmatisme.
Or, pour le projet d’alternat, il a présenté au vote la possibilité de doubler ce seuil à 1,2 million d’euros, sans fournir pour autant un budget. De plus, cette délibération n’avait pas été annoncée au préalable en exécutif municipal. Pourquoi cet écart avec les règles appliquées depuis 5 ans ? Pourquoi une telle somme en l’absence de budget, pour un projet qui n’est même pas assorti d’un calendrier des travaux ? Mystère...
Avancée ou passage en force ?
La journaliste du Dauphiné Libéré présente ce soir-là a livré son opinion dans le titre de son article : « Avancée ou passage en force ?". Face à nos questions, en effet, le maire s’est défendu en répétant que le projet « devait avancer », après 5 ans de tergiversations dont il est largement responsable.
Mais pour nous, le fait de définir le projet de A à Z avant une concertation digne de ce nom relève bien du passage en force. Et cet appel d’offres en plein été sur un projet à 1,2 million d’euros, au moment où les entreprises sont les moins disponibles pour répondre, surprendra tous ceux qui connaissent les marchés publics.
Le maire et les élus qui continuent à le soutenir ne croient pas à la concertation. Ils ne croient pas qu’elle peut enrichir un projet, l’ouvrir à des pistes inattendues et faciliter son acceptation. Ils la jugent inutile, fastidieuse, coûteuse en temps et vide de sens, au motif que les habitants n’ont pas les compétences techniques pour apprécier ce qui doit être réalisé. À ceux qui en doutaient encore, ce conseil municipal confirme leur renonciation à leurs convictions de 2014. Jusqu’à la caricature.